Ces tentatives seront évoquées dans leur double dimension, nationale avec la consolidation des États, supranationale avec le processus de régionalisation impulsé par les instances extérieures. Dans un deuxième temps, sera évoquée la mobilité au quotidien des Africains qui sillonnent les principaux axes de l’espace considéré. Cela nous conduira aux frontières pour observer et analyser les points de passages et de blocages qui jalonnent ces parcours.
Le Soudan français a été conquis par le fleuve Sénégal, au départ de Saint-Louis puis, dès 1923, la voie ferrée venant de Thiès joignait Kayes et Bamako. Durant la première moitié du 20e siècle, elle a favorisé les déplacements des Soudanais au Sénégal et de Sénégalais au Soudan et leur implantation dans les escales ferroviaires. La liaison ferroviaire entre les deux pays a permis à l’économie malienne de croître et aux grands commerçants maliens de s’imposer sur les marchés de l’importation (Grégoire et Labazée, 1993). Au sortir de l’indépendance, en 1962, la scission en deux de la Fédération du Mali (regroupant les deux anciennes colonies) augure une phase de gel des relations sénégalo-maliennes. Les relations diplomatiques ont été rompues et le trafic ferroviaire entre Dakar et Bamako stoppé (Thioub, 1994).
Quant à l’axe médian reliant Conakry à Abuja, via le nord de la Côte d’Ivoire, il n’existe qu’en théorie. 12Depuis 2001, le Nepad (ou New Partnership for Africa's Development), soutenu par des chefs d'États africains et se voulant porteur d’une vision à long terme d'un programme de développement de l'Afrique par les Africains (Porgès, 2002), s'est engagé à donner un nouveau souffle à la lutte contre la pauvreté sur le continent. Pour cela, il insiste en particulier sur des programmes qui visent à promouvoir les NTIC et les transports, en mettant en avant de façon récurrente le renforcement des infrastructures, l'amélioration de l'accessibilité, les partenariats entre public et privé ainsi que les connexions régionales. Cependant, les projets portés par le NEPAD avancent peu.
19Dans chaque véhicule, nous avons procédé (dans la mesure du possible) à des « radioscopies », en demandant systématiquement à nos voisins passagers leur provenance, leur destination et les motifs de leur voyage. Pour la majeure partie des cinquante individus qui ont emprunté l’axe Dakar Bamako, la capitale malienne était considérée comme un simple point de transit sur un parcours autrement plus long. Parmi les destinations finales relevées, il y avait Luanda, Kinshasa, Libreville, N’Djamena, Niamey, Cotonou, Abidjan, Tripoli ou encore Alger. Beaucoup de circulants étaient jeunes et semblaient connaître leur destination ainsi que l’itinéraire. Les femmes constituaient une part importante des individus rencontrés.
Auteur: Choplin, 2009. Illustration 2bis – Schéma du carrefour Le carrefour porte le nom de la société française qui l’a aménagé. Relevé et réalisation: Jérôme Lombard, 2009. Check points, douanes, postes frontières: quand les lois deviennent lieux 25Les routes d’intégration nationale mènent souvent aux confins des États, aux frontières internationales de chaque pays. Le poste frontalier matérialise le lieu où les forces de l’ordre expriment souveraineté, autorité et puissance. Quand on s’en approche, les visages se crispent, un lourd silence s’impose.
Même du poisson frais et plein de gadgets chinois ». 23Les villes frontalières constituent des espaces sensibles où se concentrent les populations migrantes, attirées par les possibilités de commerce ou de passage dans le pays voisin. Les marchés rendent compte de l’intensité des échanges transfrontaliers, qu’ils soient légaux ou non (Bennafla, 2002; Walther, 2008). Certains trafics de produits illicites sont organisés par des acteurs hors-la-loi qui contribuent à affaiblir les États (tout en étant parfois ses représentants), en produisant dans ces périphéries nationales des territoires dans les territoires (Igue, 1995). Les localisations mêmes des marchés sont fonction des opportunités et différentiels de prix qu’offre la frontière.
Malgré l’existence de lois (ou à cause d’elles), ces espaces sont ceux de la négociation permanente, voire du racket (Brachet, op. cit. Là, s’exprime avec force la « petite corruption au quotidien » (Blundo et Oliver de Sardan, 2001). Mais c’est aussi parce que les représentants de l’État peuvent décider de l’arrêt ou de la continuation du parcours, et du prix à payer pour cela, que l’État reste visible et fort dans ces marges nationales.
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Déjà, tout au long du trajet, les individus qui voyagent en bus ou en taxi appréhendent le franchissement des check points (Jeganathan, 2004). Même en règle, le voyageur craint celui qui représente l’autorité. Le passage d’un État à un autre, d’une législation à une autre, est incarné par trois figures: le douanier, le gendarme et le policier qui, tous, se succèdent sur la route franchissant la ligne imaginaire.
L’unité de la zone a été mise en cause au moment de l’indépendance, la vallée du fleuve Sénégal se retrouvant partagée entre les trois nouveaux États. Ces derniers ont tenté, non sans mal, de construire leur propre nation et de consolider leur territoire dans les limites reconnues internationalement. Les relations interétatiques ont été ponctuellement émaillées de tensions.
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15Le retrait de l’État des sociétés nationales de transport et la montée des opérateurs privés ont fait entrer la mobilité des Africains de l’Ouest dans une nouvelle ère. Entre Sénégal et Mali (Lesourd et Ninot, 2006), la diminution du trafic ferroviaire dans les décennies 1990 et 2000 a été notable7. Dans le même temps, à la faveur de la libéralisation des initiatives et du soutien appuyé de l’État à des transporteurs privés, l’offre routière a crû de façon spectaculaire. Depuis l’achèvement en 2006 de la liaison routière Bamako/Kayes/frontière sénégalaise, on assiste à une hausse des trafics routiers internationaux dans l’ouest du Mali. Plusieurs centaines de camions traverseraient chaque jour la ville de Kayes en direction ou en provenance du Sénégal8.
Parfois, ces foires hebdomadaires se déplacent au gré des contrôles douaniers dans la région. C’est ainsi que les marchés de Medbougou ou encore de Guogueul apparaissent épisodiquement sur l’une des pistes qui relient le nord du Mali au sud-est de la Mauritanie. La route principale est ici évitée car elle symbolise les contrôles et les taxes. 24Diéma, Nioro, Diboli, Kidira, Kobenni, Gogui, autant de points sur une carte, de villes, bourgs, carrefours ou point de passage. Bien que situés aux marges des États, ils n’en sont pas moins des « espaces discrets de la mondialisation » (Pliez, op. cit.
), connectés à moult réseaux (routiers, marchands, migratoires), qui en font des lieux dynamiques et indispensables au niveau local. Ces espaces frontaliers d’échanges, de transit, de commerce, de trafics, adossés à la limite physique et psychologique que représente la frontière, sont placés sous haute surveillance. Les populations migrantes sont sujettes à contrôle. Illustration 2 - Le carrefour Razel à Diéma (Mali) Deux routes se croisent ici: Bamako/Dakar et Bamako/Nouakchott.
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Il en va ainsi de l’espace « SKBo », triangle tracé par les villes de Sikasso (Mali), Korhogo (Côte d’Ivoire) et Bobo-Dioulasso (Burkina-Faso), de la Sénégambie méridionale (Gambie, Sénégal et Guinée-Bissau) et du couloir Maradi Katsina Kano sur l’axe transfrontalier Nigeria Niger (ENDA DIAPOL, 2007). De même, dans le cas de l’espace Mauritanie Sénégal Mali, des projets sont en gestation autour du bassin du Karakoro séparant le Mali et la Mauritanie (Ciavolella, op.
21Tout au long de la route se succèdent gares routières, carrefours, marchés, check points et postes douaniers. Une urbanisation en pointillé, linéaire, se dessine le long des axes. Ces lieux qui ponctuent l’itinéraire du voyageur symbolisent à la fois l’ouverture et la fermeture. Ils sont également marqués par des temporalités qui leur sont propres, oscillant entre attente interminable et accélération soudaine. Routes et à-côtés 22L’arrivée d’une route génère nombre d’activités dynamiques.
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